Les secrets d'Aphrodite


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Je ne sais pas quel temps vous avez, mais dans ma campagne anglaise, c'est ciel bleu et plein soleil. Malgré des températures encore fraîches, le beau temps est au rendez-vous depuis le début de cette semaine. Voir enfin un ciel sans grisaille avec un soleil radieux donne un bon coup de booster au moral. Et rien de tel pour se laisser aller à la légèreté...

Je vous propose ce résumé d'un article du hors-série avril-mai 2018 du magazine Sciences et Avenir, "Les aliments magiques". Article récemment découvert qui évoque la détente et le plaisir...

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3 baies de mandragore, quelques feuilles de verveine, le sang de 7 passereaux mâles, de l'ambre gris (concrétion intestinale du cachalot provenant de l'interaction des sécrétions biliaires et des aliments ingérés par celui-ci), du musc (extrait des glandes abdominales des cerfs porte-musc d'Asie centrale), de l'écorce de noix de muscade, des clous de girofle, le cœur de la plus belle cannelle... Voici les ingrédients pour réaliser le philtre d'amour de Nostradamus !

"Une fois cuit, pressé et bien égoutté, le mélange riche d'une quinzaine de produits fait monter la semence et cause une fureur qui s'appelle amour frénétique […] mettez-en dans la bouche […] le poids d'un demi-écu, et […] pourvu que vous trouviez quelqu'un à qui le transmettre, ne vous privez pas de faire l'amour avec lui, là où bon vous semblera...", écrit ce célèbre apothicaire français du 16e siècle dans son livre Traité des confitures.

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Plus récemment, le professeur honoraire de toxicologie à l'Université de Lausanne, en Suisse, Jacques Diezi, explique : "Des centaines de produits d'origine naturelle ont été, et sont toujours, utilisés comme aphrodisiaques […] Une notion sans doute aussi ancienne que l'humanité ! Car, autant qu'on puisse en juger, la recherche d'une performance sexuelle digne d'admiration est une caractéristique humaine, masculine essentiellement".

De nombreux aliments ont ainsi cette réputation due à leur aspect, comme l'asperge qui suscite du fantasme, le champignon satyre puant ou phallus impudique (fausse morille), dont il est inutile de préciser sa forme (mais dont son odeur putride est un tue-l'amour) ou aux effets qu'ils produisent sur la langue et/ou dans le corps, à l'image des épices qui échauffent l'organisme.

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À en croire le Kāmasūtra, la douceur rime avec vigueur concernant le lait et le sucre. Il est conseillé aux hommes de les boire mélangés.

Quant à la pomme et la grenade, associées à la déesse mésopotamienne de l'amour Ishar, leurs rondeurs féminines seraient évocatrices du désir. Ces deux fruits apparaissent dans une incantation du 1er millénaire avant J.C. "pour lever le cœur", métaphore de l'érection masculine. L'homme doit réciter trois fois cette incantation puis faire boire le jus de la pomme et de la grenade à la femme qu'il désire. "La femme viendra vers lui et il pourra l'aimer". De ce fait, la libido de l'homme en sera améliorée.

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D'un point de vue historique, le terme "aphrodisiaque", issu de 18è siècle, fait référence par pure logique à la déesse Aphrodite ou Vénus chez les Romains.

Selon le mythe, la déesse avait en sa possession une ceinture magique permettant à celui qui la portait de gagner tous les cœurs. L'amour charnel et la fertilité étaient très pris au sérieux dans l'Antiquité, tel que Dimitri Tilloi d'Ambroisi, doctorant en histoire romaine à l'Université Lyon III, en France, le stipule : "Féconder, faire naître des citoyens, est aussi important chez les Grecs que chez les Romains […] Les aliments mentionnés dans les traités médicaux servent autant à exciter le désir qu'à garantir la sécrétion d'un sperme satisfaisant".

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Pour l'écrivain latin du 3e siècle, Gargilius Martialis, dans son ouvrage Remèdes tirés des légumes et des fruits, la roquette, le poireau, la carotte, la graine de fenouil, l'amande ou encore les pignons consommés avec des raisins secs donneraient un petit coup de fouet à ceux étant "trop paresseux dans la pratique des plaisirs de l'amour". L'auteur préconise en parallèle d'attacher de la mauve à la cuisse pour exciter le désir sexuel, sans préciser le sexe de la personne. Concernant cet écrivain, le doctorant en histoire romaine rappelle : "Gargilius s'appuie à de nombreuses reprises sur Pline l'Ancien (1er siècle après J.C.) qui rapporte souvent des croyances populaires et des superstitions". D'ailleurs, dans l'ouvrage Histoire Naturelle de ce dernier, "la chair d'escargots de rivière conservée dans du sel et administrée dans du vin", "la dent de crocodile", "l'hippocampe", "les nerfs de grenouille attachés au bras", y sont énoncés.

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Le médecin grec Galien (131-201) a eu une approche plus rationnelle en développant la théorie des humeurs du médecin Hippocrate (460-377 avant J.C.), dont celles-ci devaient par leur équilibre assurer le bon fonctionnement de l'organisme.

Marianne Brisville, doctorante en histoire médiévale à l'Université Lumière-Lyon II, note : "Les humeurs, tout comme les aliments, associent deux des quatre qualités fondamentales (chaud, froid, sec, humide) qui agissent sur différentes parties du corps. Lui-même réagit en fonction du tempérament de la personne, de son âge ou de la saison".

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Annick Englebert, professeur à l'Université libre de Bruxelles, en Belgique, ajoute à cela : "L'idée sous-jacente est qu'il faut soigner par les contraires. […] Un excès d'humeur sèche et chaude se soigne par l'absorption d'aliments froids et humides. Par exemple, pour calmer l'ardeur amoureuse des adolescents (considérés comme "chauds et secs"), on leur donne à manger de la laitue ("froide et humide")".

Ces attentions portées sur les humeurs demeurent même inéluctables au Moyen-Âge. La religieuse bénédictine mystique, Hildegarde de Bigen, connue également sous le nom de Hildegarde de Ruppertsberg (1098-1179), auteur d'une série de recettes de cuisine, dont certaines sont encore utilisées actuellement, en fait état.

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Tout comme dans la médecine arabe, "dans les recettes de cuisine et traités de diabétiques arabes des 9e-16e siècles, l'expression qui revient régulièrement est "fortifie le coït"", précise Marianne Brisville. Le médecin et pharmacien Ibn al-Jazzar, ayant vécu au 10e siècle en Tunisie, souligne dans son ouvrage Zad al-Musafir ou Viatique ("provisions de voyage") que l'érection serait influencée par la chaleur (stimulante) et l'humidité (bonne pour le sperme). Estimé comme chaud et humide, le pois chiche est ainsi recommandé. L'oignon aussi. Selon d'autres sources, les viandes augmenteraient également le désir ou la quantité de sperme. Dans le "Traité des aliments", Kitab al-agdiya, le médecin Abou Marwan Ibn Zuhr (né en 1074 ou vers 1091 et mort en 1162) cite les testicules d'animaux, la viande de chevreau, de lièvre ou encore les œufs de pigeon. Afin d'apporter une plus grande efficacité, il est avisé de cuisiner chacun de ces ingrédients avec des pois chiches, des oignons ou des navets, autres stimulants.

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Les médecins de la Renaissance évoquent de même des aliments qui "réveillent l'appétit de Vénus" ou "excitent à la paillardise". L'artichaut, les truffes, les produits en provenance des Amériques qui suscitaient la curiosité, comme le chocolat, dont l'empereur aztèque Moctezuma en buvait, selon les dires, avant de visiter les femmes de son harem, ou la patate douce, sont alors cités. Leur renommée persiste aux époques suivantes. Casanova incluait les huîtres dans ses préliminaires amoureux, humant avec délice leur parfum de la bouche de ses conquêtes pour "augmenter la force de l'amour", tel qu'il le raconte dans ses mémoires Histoire de ma vie. Quant au Marquis de Sade, il est accusé en 1772 par des prostituées marseillaises de tentative d'empoisonnement à leur encontre afin d'attiser leur ardeur avec des bonbons à la cantharidine, substance réputée aphrodisiaque qui est sécrétée par la mouche espagnole. Un Dictionnaire des sciences médicales de 1818 notifie : "l'administration de cet insecte peur causer les accidents les plus graves […] plus d'une fois des libertins usés ou des vieillards impuissants […] ont trouvé la mort au lieu des plaisirs qu'ils s'étaient promis". Cette substance séchée et réduite en poudre conserve aujourd'hui sa réputation de puissant stimulant. Elle est toutefois fortement déconseillée.

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Maintenant sous un angle médical. En 2015, des chercheurs de The Southern California Center for Sexual Health and Survivorship Medicine ont parcouru une cinquantaine de publications portant sur plusieurs aphrodisiaques populaires. Ils ont conclu. Les huîtres ou le chocolat n'ont aucun effet prouvé sur la libido, d'autres substances en revanche se révèlent dangereuses. Entre autres la cantharidine, qui peut déclencher une érection une fois ingérée, mais est mortelle en cas de surdose, la yohimbine, dérivée de l'écorce ou des racines d'un arbre d'Afrique occidentale, utilisée depuis très longtemps afin de traiter la dysfonction érectile, peut provoquer des effets secondaires sévères. Le ginkgo biloba et le ginseng ont des propriétés vasodilatatrices. Or, le ginkgo cause parfois des saignements de nez. Quant à savoir s'ils stimulent le désir, aucune preuve n'a pu l'attester.

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Malgré tout, les produits dits "aphrodisiaques" demeurent très ancrés dans les pensées collectives, des produits auxquels sont souvent prêtées de fausses vertus médicinales en vue d'accroître le désir ou les performances sexuelles. La Chine, le Vietnam, la Thaïlande, etc., en sont les principaux consommateurs. Des croyances ancestrales assises depuis des millénaires parfois en sont à l'origine. Des superstitions qui attribuent à des organes ou parties d'animaux des pouvoirs non avérés. Et celles-ci ont ouvert la boîte de Pandore en matière de surpêche et de braconnage, mais aussi au niveau des dérives, comme la corne de rhinocéros qui n'était pas employée à l'origine pour des vertus aphrodisiaques. Cette nouvelle superstition a été inventée par certains trafiquants pour élargir leur marché et créer un phénomène de mode. Puisque cette corne de rhinocéros réduite en poudre est actuellement consommée par la jeunesse dorée vietnamienne lors de soirées mondaines ou de cocktails. Le prix de cette poudre vendue au gramme a dépassé celui de la cocaïne sur le marché noir.

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Le tigre, le concombre de mer ainsi que le totoaba macdonaldi sont des autres symboles de force et de virilité. Une véritable fascination s'effectue sur eux. Moins de 4 000 tigres vivent toujours en milieu naturel et 5 000 environ seraient en détention dans des fermes d'élevage chinoises. Toutes les parties du corps du tigre sont utilisées pour la médecine traditionnelle. Le pénis est consommé décomposé en soupe ou séché et plongé dans de l'alcool. Ce produit est extrêmement onéreux. L'holothurie, concombre de mer ou aussi bêche de mer, est très riche en hormones stéroïdes, dont sa plus grande concentration se trouve dans ses viscères. Ce long mollusque est utilisé en remplacement du viagra. Enfin, le totoaba est pourchassé pour sa vessie natatoire, considérée comme un mets de luxe. Il se négocie à près de 15 000 $, ce qui lui a valu le triste surnom de "la cocaïne de la mer". Classé en danger critique d'extinction depuis 1996 par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN), ce poisson continue toujours de susciter la convoitise des cartels mexicains sur le marché noir.

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