La robotique en marche
Le magazine Envoyé spécial du 11 janvier dernier de la chaîne de télévision France 2 s'est intéressé à l'évolution de la robotique dans le monde. "Robots, le meilleur des mondes ?" Ce reportage débute en Chine au centre postal le plus moderne du monde. Nous nous rendons ensuite en Allemagne pour rencontrer Amelia, une intelligence artificielle. Puis nous partons aux États-Unis où la robotisation remplace de plus en plus les humains au travail dans les secteurs de l'industrie et des services. Nous passons par l'Arabie Saoudite où se trouve Sophia, le premier robot humanoïde qui a reçu la nationalité d'un pays. Et de retour en Chine, nous découvrons la volonté gouvernementale d'une automatisation systématique des emplois.
STO Express est le centre postal numéro 3 du courrier en Chine. Véritable usine où "une armée de petits robots roulants, infatigables et dociles" effectue un ballet de va-et-vient incessants, ces 300 robots trient 70 000 colis par jour qu'ils déposent après coup dans les zones correspondantes à la destination de ceux-ci. En à peine 2 minutes, ils réalisent ces tâches qu'une main-d’œuvre humaine exécute en moyenne en 15 minutes. Mis en place en 2016 dans 4 des 7 plate-formes du grand groupe, ce système automatisé à supprimer à chaque fois les 3/4 de ses employés. Le directeur de l'usine a du reste déclaré : "d'ici 3 ans, il n'y aura plus aucun employé humain."
En Allemagne, Amelia est l'intelligence artificielle la plus évoluée actuellement. Ce robot est capable d'apprendre, d'analyser, de traiter et d'interpréter dans son contexte précis n'importe quelle information en quelques petites minutes. "Son cerveau informatique est construit comme celui d'un humain mais sans défaillance", comme l'a précisé le directeur de l'entreprise dans laquelle elle est affectée. Habilité à remplacer des employés humains dans les secteurs bancaires, d'assurance, des ressources humaines ou encore des agences de voyages, son existence peut susciter une appréhension certaine. Des économistes de l'Université d'Oxford ont d'ailleurs révélé dans une étude de 2013 que celle-ci pourrait supplanter 99 % des emplois de bureau. Et son concepteur même a affirmé que d'ici 2025 elle supprimera 250 millions d'emplois sur la planète.
Aux États-Unis, une entreprise privée a été entièrement automatisée. Plus aucun humain ne travaille dans les locaux. Les machines tournent 24 h/24, dont 12 heures sans lumière. Une pause de quelques minutes seulement est utile pour les recharger. L'optimisation de la production est à son comble. La multinationale spécialisée dans la grande distribution, Walmart a licencié 7 000 comptables humains pour les remplacer par la robotique. Cas de Beverley Clayton, chef comptable dans l'entreprise pendant 15 ans, qui quelques mois après son licenciement a retrouvé le même emploi dans une société plus petite, or avec un salaire divisé par deux, des avantages, une sécurité sociale ainsi qu'une mutuelle que lui conférait son ancien employeur qu'elle n'a plus à ce jour. Elle a montré à la caméra le motif de son licenciement : "pénurie de travail". En parallèle, Daron Acemoglu, chercheur au MIT, prestigieux Institut de technologie de Boston à Cambridge, Massachusetts, avait affirmé en 2012 : "parfois les progrès technologiques parviennent à remplacer des ouvriers par des machines mais nous pensons au final que tout ceci est positif pour les travailleurs et pour la société". Aujourd'hui, il s'est ravisé en estimant : "nos résultats sont légèrement plus négatifs, sur 20 ans, les créations d’emplois dans d’autres secteurs de l’économie, n’ont pas compensé les destructions liées à l’automatisation". Après une étude plus approfondie, cette fois, se basant sur de vrais indices chiffrés, il a alors observé que de 1990 à 2007, la robotique a décimé jusqu'à 670 000 emplois humains américains dans l'industrie. Outre le premier impact direct de la perte d'emploi pour un salarié, il a de même constaté un autre effet, la pression à la baisse sur les salaires qu'appliquent ces nouveaux chômeurs.
Le 25 octobre 2017, lors du congrès Futur Investment Initiative consacré aux nouvelles technologies, qui se déroulait du 24 au 27 octobre, le roi Salmane a octroyé la nationalité saoudienne à un robot humanoïde. Baptisé Sophia, ce robot fut créé à Hong Kong par la société Hanson Robotics. Doté d'une intelligence artificielle, d'une reconnaissance vocale, pouvant converser, sourire, même blaguer, ce robot peut reconnaître les visages et son propre faciès en silicone peut mimer 62 expressions humaines, selon son concepteur. Sa fonction première sera d'aider les personnes âgées et d'assurer un accueil dans les parcs de Riyad. Présentée au public sans porter de voile, ni d'abaya (tenue pourtant obligatoire pour les Saoudiennes), ni chaperonnée par un homme (valant de lourdes conséquences à n'importe quelle Saoudienne en chair et en os), Sophia a posé nombreuses interrogations quant à sa légitimité au regard des droits de la femme quasi inexistants dans ce pays. Le robot aurait-il donc plus de droits que la femme ? Question principale qui a été soulevée par beaucoup d'internautes sur les réseaux sociaux. En outre, même si le Ministère de la culture saoudien a confirmé l'annonce sur sa nationalité acquise, il ne s'est toutefois pas étendu sur les droits garantis par celle-ci. Quoi qu'il en soit, Sophia est le premier robot humanoïde à obtenir une nationalité.
Enfin, le gouvernement central chinois a imposé un plan national de robotisation massif en 2014 en vue d'accroître son économie. Pas moins de 650 000 robots prévus d'ici 2025 viendront remplacer des millions d'ouvriers afin de rendre le pays plus compétitif. Mais cette volonté cache un autre dessein. Suite aux nombreux mouvements sociaux qui ont eu lieu ces dernières années et se sont accrus dans tout le pays, notamment en 2013, où les ouvriers ont massivement protesté en faisant grève, le gouvernement a ainsi décidé de ce plan afin d'enrayer ce phénomène.
"Les robots vont-ils simplement nous délester des tâches ingrates ou bien vont-ils nous remplacer ?", a suggéré le reportage.
Trop tôt ou trop tard pour se poser la question ? Toujours est-il que cette robotique en marche peut à la fois nous ébahir par son avancée technologique fulgurante, comme elle peut nous faire sincèrement peur quant à la place qu'aura l'être humain dans la société à venir...
Commentaires
Enregistrer un commentaire