L'arnaque de l' "électrophotonique"


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Georges Vieilledent, PDG de la société Électrophotonique Ingénierie, prétend dépister la maladie de Lyme avec une photographie des doigts du patient - Photo de Sciences et Avenir

La machine d' "électrophotonique" ou de "captations photoniques", consistant à l'analyse de photos insolites révélant un "halo" qui entoure le bout des doigts des patients, a été créée par la société Électrophotonique Ingénierie à Brens dans le Tarn. Son PDG, Georges Vieilledent, affirme dépister la maladie de Lyme entre autres.

Or, les résultats du test sur cette machine sont très controversés. Ils ne sont pas certifiés scientifiquement. Ils sont non officiels.

Le magazine Sciences et Avenir a enquêté de manière approfondie sur cette méthode qui pourrait s'avérer frauduleuse.

Le journaliste scientifique Olivier Hertel de ce magazine a d'ailleurs expliqué dans son article : "Avec près de 70 symptômes possibles, en outre peu spécifiques, le diagnostic de la maladie de Lyme est difficile à poser. Ce, d'autant plus que l'efficacité des deux tests de dépistages officiels (Elisa et Western Blot) est très contestée. Ces tests sont en effet menés sur des échantillons de sang. Or Borrelia, la bactérie responsable de l'infection, s'y trouve très rarement. En outre, les tests sur le marché détectent plusieurs espèces de Borrelia... mais pas toutes. Ils ignorent aussi les autres pathogènes transmis par les tiques et impliqués dans la maladie, comme la bactérie Bartonnella ou encore des rickettsies et le parasite Babesia. Dans le cadre du "plan Lyme", lancé en 2016 par le ministre de la Santé, de nouveaux protocoles de diagnostics et de soins devraient être recommandés d'ici à la fin de l'année."

En plus du fait que le PDG prétend que "la présence ou l'absence de lumière sur certaines zones de ce halo sont révélatrices de la présence de la bactérie dans le corps", c'est-à-dire que le pouce indiquerait le microbe présent dans le cerveau et l'index serait en lien direct avec le rectum, sa société facture tout de même cet examen 250 €. Le PDG atteste aussi que cette technique liée à un traitement d'électrothérapie procuré par un appareil appelé Vital Harmony (délivrant des micro-courants par deux électrodes tenues en main par le patient) dépiste presque 100 % des patients atteints de la maladie de Lyme. À noter que cet appareil est conçu lui aussi comme par hasard par la société de ce Monsieur et vendu aux malades à 700 € environ.

De surcroît, Georges Vieilledent n'est pas seul dans cette histoire. Fin 2015, ce dernier lance une étude, toujours en cours, auprès de quelques 400 malades, sous le contrôle du Pr Christian Perronne (CHU de Garches dans les Hauts-de-Seine) et du Dr Raouf Ghozzi (centre hospitalier de Lannemezan dans les Hautes-Pyrénées). Ces médecins sont réputés auprès des malades de Lyme. Ils ont été parmi les premiers à aller au-delà des résultats négatifs des tests officiels et ont administré de longues cures d'antibiotiques, procédé qui fournit de meilleurs résultats actuellement.

Cependant, leur collaboration ainsi que leur soutien à cette étude d' "électrophotonique" sont sérieusement remis en cause.

Grâce à un visionnage des conférences publiques tenues par le PDG, les enquêteurs ont noté de sérieux dérapages. Georges Vieilledent atteste que "le Vital Harmony est au moins aussi bon les cures d'antibiotiques […] son traitement est efficace à 100 % contre la sclérose en plaques, il détruit tous les pathogènes et devrait bientôt remplacer les injections d'insuline des diabétiques et les chimiothérapies des cancéreux."

Ces enregistrements ont été par la suite montrés aux deux médecins appuyant ce projet. Ils ont alors répondu de pas être au courant de ces propos : "Nous avions effectivement des doutes sur la machine de dépistage. Mais, concernant le Vital Harmony, nous nous sommes fiés à la parole des patients qui nous ont rapporté une amélioration de leurs symptômes. Ces retours étaient positifs pour plus de 30 % d'entre eux, soit un effet supérieur à ce que l'on accorde au placebo. C'est ce qui nous a poussé à accepter de superviser cette étude."

À cette déclaration, Nicolas Pinsault, chercheur au laboratoire Techniques de l'ingénierie médicale et de la complexité de l'Université Grenoble-Alpes a rétorqué : "Cette règle des 30 % n'existe pas. L'effet placebo est présent chez 100 % des personnes testées puisqu'il est lié au fait de recevoir un traitement, que celui-ci soit efficace ou pas. Même lorsque l'on teste un "vrai" médicament, une partie de ses effets est due à la molécule active, mais une autre au placebo." À laquelle, Olivier Hertel a ajouté : "D'où l'importance dans un essai clinique de toujours comparer le traitement à un placebo, ce qui n'est pas le cas dans l'étude menée par la société de Georges Vieilledent. Il serait donc impossible de déterminer si le Vital Harmony est plus efficace... qu'un granule de sucre. Et à y regarder de près, les allégations d’Électrophotonique Ingénierie ne relèvent aucunement de la science". Avis que partage Jérôme Kaparian, physicien spécialiste de l' "effet couronne" à l'Université de Genève en Suisse : "Ces images ne sont pas reproductibles et ne veulent rien dire, car le phénomène est trop sensible. Un changement infime de la pression du doigt sur l'électrode, de sa température, de l'humidité à sa surface... sont autant de facteurs qui modifient le halo capturé sur l'image."

L'enquête a également mis en lumière que cette idée de lier l'effet couronne et diagnostic n'était pas récente, comme l'a souligné le journaliste scientifique : "Déjà, dans les années 1970, cette pratique était en vogue dans le milieu de la parapsychologie sous le nom de "photographies Kirlian" à partir desquelles certains prétendaient lire "l'état énergétique" des personnes dans ce qu'ils appelaient alors l' "aura". Si Georges Vieilledent préfère aujourd'hui le terme plus "scientifique" de "captations photoniques", l'idée demeure la même. D'ailleurs, le concepteur de sa machine, Raymond Herren, ingénieur du CNRS du laboratoire de Chimie physique de l'université Paris-Sud (Orsay, Essonne), avait déjà élaboré des années plus tôt des machines du même genre pour un certain Georges Hadjopoulos. Ce dernier, véritable "pionnier de l'électrophotonique", se disait spécialiste de l'interprétation thérapeutique des photos Kirlian. L'ingénieur du CNRS ne s'est pas contenté de mettre ses compétences au service du dit Hadjopoulos. Il en a cautionné les dérives en cosignant avec lui et le dentiste suisse Nicolas Stelling l'ouvrage intitulé "Établir  un bilan bioénergétique" dans lequel, déjà, des photographies Kirlian de doigts et d'orteils permettaient de "dépister" leucémie, cancer du sein, autisme ou schizophrénie..."

Concernant le Vital Harmony, cet appareil aussi créé par l'ingénieur du CNRS rappelle étrangement celui conçu dans les années 20 par l'Américain Royal Raymond Rife, lequel soignait soi-disant quasiment tous les maux par la variation de fréquence de champs électriques. Mais aucune preuve n'a fait l'objet de la moindre publication dans une revue scientifique.

Quoi qu'il soit, ce qui ressort en tous cas de cette étude "fantasmagorique" est l'argent récupéré par la société. Car, bien que les 400 patients qui participent encore à l'étude ont eu leur examen de 250 € offert, la plupart ont acheté la machine à 700 € à peu près. Ce qui représente un gain éventuel d'environ 200 000 €.

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