"Tampon, notre ennemi intime"

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Une vingtaine de composants chimiques ont été retrouvés dans 6 marques de tampons - LOIC VENANCE/AFP
La chaîne de télévision France 5 a diffusé ce 25 avril un documentaire très préoccupant, réalisé par la journaliste Audrey Gloaguen, sur la composition des tampons hygiéniques. Il a mis en lumière que le meilleur protecteur intime pour la femme pouvait se révéler être son pire agresseur.

Les règles des femmes demeurent encore un sujet tabou. La réalisatrice l'a directement évoqué : "À ce jour, il n'existe aucune étude d'impact des tampons sur la santé des femmes." Autre preuve à l'appui. Aucune loi, ni réglementation n'oblige les fabricants de tampons à divulguer les composants de leurs produits.

L'équipe de journalistes a donc décidé de mener son enquête personnelle. Elle a récolté des données à travers le monde, réalisé ses propres analyses et s'est procurée une étude commandée en août 2016 par le secrétariat d’État à la consommation.

Le syndrome du choc toxique (SCT)

Les tampons seraient à l'origine du syndrome du choc toxique, une affection assez rare causée par une toxine de la bactérie du staphylocoque doré. Selon le Professeur Gérard Lina, microbiologiste spécialiste de ce syndrome, "20 à 30 % des femmes sont porteuses du staphylocoque doré. Si le fluide menstruel est bloqué dans le vagin par un tampon, la bactérie va l’utiliser comme milieu de culture et se développer. Elle va libérer une toxine extrêmement dangereuse et déclencher une infection généralisée dont on peut mourir si elle n’est pas prise en charge correctement : c'est le choc toxique."

Cette affection mortelle dans 5 à 15 % des cas peu connue du grand public l'est pourtant depuis les années 80.

À cette époque, une épidémie de SCT explose aux États-Unis, provoquant de nombreuses victimes. La marque de tampons Rely appartenant à la multinationale Procter & Gamble est de suite pointée du doigt. Elles fabriquaient des tampons en fibres synthétiques pour remplacer le coton pouvant absorber jusqu'à 5 jours de règles. Attaquée en justice, elle dut dédommager financièrement les victimes et interrompre la production. Les centres américains de contrôles des maladies (CDC) avaient démontré un lien dans certains cas de ce syndrome avec le port de tampons hygiéniques. Une note d'avertissement sur les emballages a été imposée par les autorités sanitaires américaines (FDA), recommandant des tampons peu absorbants, moins à risque ; degré d'absorption. Cette note existe aussi en Europe depuis lors. D'ailleurs, la célèbre marque Tampax a même une page entière sur son site consacrée à quelques règles de sécurité : "Vous pouvez réduire le risque de SCT en utilisant une serviette, plutôt qu'un tampon, au moins une fois par jour pendant vos règles, et en choisissant le niveau d'absorption minimal correspondant à vos besoins."

Cependant, 2 victimes, Justine et Margaux, témoignent dans ce documentaire de l'enfer qu'elles ont traversé en raison de la méconnaissance de ce syndrome du choc toxique autant du grand public que des médecins. Le documentaire rappelle également le cas de la mannequin Lauren Wasser, dont le SCT a entraîné l'amputation de sa jambe gauche.

Des traces de dioxines

Quant à l'étude commandée par le secrétariat d’État à la consommation, elle rapporte un résultat terrifiant.

6 marques non citées de tampons hygiéniques ont subi des tests. Une vingtaine de composants chimiques a été alors trouvé dans chaque produit à très faible taux. Or, certaines substances ont troublé les journalistes. Des dioxines, des polluants organiques persistant dans l'environnement, très toxiques pour la santé, et faisant partie des 10 plus nocives, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Elles seraient responsables des problèmes au niveau de la procréation, du développement et un risque de cancer, tel que Dominique Lison, toxicologue belge, l'a expliqué : "Elles pourraient être à l’origine d’une pathologie très douloureuse, responsable aussi d’infertilité : l’endométriose."

Les journalistes se sont également tournés vers un chercheur du centre Analytika, un laboratoire indépendant du Var. Celui-ci a détecté une substance qui n'avait pas été citée par l'étude, le DEHP, un phtalate (les phtalates sont utilisés pour assouplir les plastiques) interdit en Europe, car suspecté d'être un perturbateur endocrinien et potentiellement cancérigène.

Les journalistes ont transmis leurs résultats à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) qui se prononcera avant l'été 2017 sur la dangerosité de ces produits.

Enfin, la majorité des scientifiques interviewés dans ce documentaire estiment un réel danger constitué par les tampons. Philip Tierno, chercheur à l'école de médecine de New York a déclaré concernant les industriels  : "Ils disent que les risques sont faibles. Mais cela est faible si l’on n’utilise qu’un seul tampon. Une femme utilise en moyenne 11 000 tampons dans une vie. La plupart des dioxines s’accumulent."

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