Soudan du Sud : le prix des filles en vaches
Alors
que les femmes et les filles sont les premières victimes de viols et
diverses tortures dans le conflit sanglant qui oppose les forces
rebelles au gouvernement dans la République du Soudan du Sud, elles sont
en plus les proies des traditions.
Et cette guerre civile n'arrange rien. Au
contraire, elle ravive les rivalités inter-ethniques ancestrales.
Au-delà de la complexité de donner un nombre
précis de morts, qui selon les organisations internationales serait d'environ
1,5 million, les personnes les plus vulnérables, comme les personnes âgées, les
femmes enceintes, les enfants, etc., ayant été déplacées hors des zones à
risques afin d'assurer leur sécurité, sont en réalité tout autant exposées à
ces types de violences.
Entre
les mariages précoces et forcés, issus de traditions tenaces, les
violences conjugales, ancrées également dans les mentalités, les viols
et désormais utilisées comme armes de guerre, les femmes et les filles
ne sont en sécurité nulle part, comme l'avait déjà confié, Caroline de
Saint Mieux, coordinatrice des mesures d'urgence pour l'ONG Care du Canada en 2014 : "C'est
une violence qui est vécue au quotidien par les femmes au Sud Soudan
mais c'est une violence taboue. Les victimes de violences conjugales
sont difficilement identifiables car beaucoup pensent qu'il n'y a pas
d'intérêt à se manifester auprès des autorités ou des associations. Dans
l'ensemble, les femmes restent extrêmement marginalisées. Elles sont
davantage vues comme un bien et à partir du moment où elles peuvent être
mariées, même à un bas âge, elles sont assimilées à une dot et
notamment au nombre de vaches et de bœufs qui leur sera accordé en
échange. Ajoutez à tout cela le fait que très peu aient accès à
l'éducation et manque donc d'opportunités pour se détacher de leur
famille. Il est certain que les droits de ces femmes ne sont pas respectés. Même
si le conflit actuel met forcément de côté l'état de droit, le Sud
Soudan est un pays très jeune, qui n'existe que depuis 3 ans et dont la
législation n'est pas encore solide et a ses faiblesses. Et cette région
ayant été en guerre avec le Nord pendant aussi longtemps, d'autres
principes et systèmes ont été mis en place et restent aujourd'hui forts
comme la justice traditionnelle."
A young girl displaced from Bor County, Jonglei carries her little brother on her hip at the Melijo settlement for IDPs just outside Nimule town in Magwi County, Eastern Equatoria State, South Sudan. March 18, 2014. By Dan Alder/CARE. |
Malgré le rapport qui avait été réalisé par l'ONG Care
mettant en avant une loi qui punit le viol de 14 ans de prison, il
avait aussi évoqué que cette loi n'était jamais vraiment entrée en
vigueur et qu'il n'existait par ailleurs pas d'interdiction contre les
violences conjugales.
Ainsi, les Sud-Soudanaises vivent un véritable
enfer, que ce soit dans les zones les plus perturbées de la région ou dans les
camps, comme l'avait déjà déclaré la coordinatrice en 2014 : "Beaucoup
de femmes sont déplacées, mais elles n'abandonnent pas leurs responsabilités
pour autant. Ainsi, beaucoup quittent les périmètres de sécurité des camps pour
aller chercher de l'eau, par exemple, et s'exposent à des agressions. Mais même
au sein les camps, les femmes ont peur. Elles ont peur d'aller utiliser les
latrines la nuit, de s'exposer. Sur le 1,5 million de personnes déplacées, 150
000 sont des femmes enceintes qui devront accoucher dans des conditions
précaires, sans suivi médical. Il est important de travailler au plus près des
communautés, avec l'aide de personnes locales sur le terrain qui évitent les
barrières linguistiques et culturelles mais surtout de sensibiliser et
d'éduquer les populations. Il nous faut aussi travailler avec les autorités.
Mais le plus urgent pour l'instant, en attendant que la paix soit rétablie,
c'est d'assurer à toutes ces femmes un accès à des cellules de soins et
psychologiques."
Aujourd'hui, la situation reste inchangée. Les
femmes et les filles Sud-Soudanaises sont toujours considérées comme des
morceaux de viande qui se troquent.
Enfin, il est à rappeler que le taux de la
population du Soudan du Sud s'élevait à 11 562 695 habitants au dernier
recensement de 2014. Depuis cette date, aucune autre estimation plus ou moins
précise n'a pu être établie au vu du conflit qui fait rage. À la même période,
il a été chiffré 8,42 décès pour 1 000 habitants et 68,16 morts pour 1 000
naissances ; le taux de mortalité infantile et maternelle à la naissance du
Soudan du Sud est l'un des plus élevés au monde.
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