La Une du Time Magazine qui fait débat ?
Quel
sujet d'actualité peut-il être abordé de nos jours sans qu'il ne touche
la susceptibilité des gens quelque peu mal informés en créant
systématiquement un débat ?
En tout cas pas celui du Time Magazine
qui en a malheureusement fait les frais récemment avec sa couverture du 21 mars
!
Sur sa couverture (ci-dessus), la Sud-Soudanaise,
Ayak, violée à plusieurs reprises par des soldats pendant la guerre civile, a
été ainsi mise à l'honneur afin de dénoncer les violences sexuelles que des
milliers de femmes à son image ont subies ou subissent, servant comme armes de
guerre dans cette guerre civile qui fait encore rage au Congo ou en Ouganda,
dont les Sud-Soudanaises ont trouvé refuge dans ce dernier pays.
Or, cette volonté de mettre à jour ce fléau,
surtout cette prise de conscience qu'a voulu éveiller le Time Magazine
chez les lecteurs, n'a absolument pas été perçue ni comprise de cette manière,
puisque cette couverture a plutôt soulevé une véritable polémique sur les
réseaux sociaux.
Pourtant, afin de traiter ce sujet délicat, la
journaliste Aryn Baker est allée à la rencontre de ces victimes au Congo puis
en Ouganda où elle a donc fait la connaissance de cette jeune femme, Ayak,
enceinte alors de 9 mois lorsque plusieurs soldats l'ont violée, et l'a ensuite
choisie en figure de couverture de la revue américaine, photographiée par
Lynsey Addario, posant droite, de profil, le ventre bien rond, en plein centre
de l'image, le regard fixe et le corps semi-dénudé.
Et c'est bien ce stupide détail du
"dénudé" qui a posé problème aux petites âmes fragiles et aux esprits
relativement étriqués de certains internautes qui se sont alors offusqués en
lançant une véritable polémique autour de l'utilisation de la femme noire en
référence au colonialisme !
Il fallait aller chercher loin quand même !
Bref !
Le plus navrant, c'est que cette idée
complètement saugrenue de cette soi-disant image de rappel du colonialisme a
fait son chemin !
Notamment, avec le commentaire de cette
internaute blogueuse qui a été relayé et reçu des "like" plus de
mille fois : "Salut, Time. J'ai tellement de questions à propos de
cette couverture sauvagement exploiteuse. Si Ayak est la vulnérable survivante
d'un viol, pourquoi est-elle presque nue sur la couverture de votre magazine ?
Auriez-vous mis une victime bosniaque en Une pour illustrer les viols
systématiques pendant les génocides ou est-ce trop de mauvais goût ? Pourquoi
pensez-vous qu'il est acceptable de placer une femme noire, la survivante d'un
viol, sur une couverture dans une pose orientaliste qui la sexualise ? Pourquoi
le corps des femmes noires est-il CONSTAMMENT chosifié en chair à canon politique
? Ne pouviez-vous pas simplement montrer son visage ? Qui a pris cette photo et
avez-vous eu l'accord d'Ayat de la faire apparaître en couverture ?"
Il en a été pareillement sur Instagram où la photo de couverture y circulait, des critiques n'ont pas tardé à pleuvoir : "Cette
photo aurait été tout aussi forte sans l'exposer de la sorte. Ma
première impression est que cela fait d'elle à nouveau une victime",
"C'est de l'exploitation. Une survivante de viol non noire n'aurait
jamais été photographiée de la sorte. C'est du voyeurisme." ...
Alors qu'avant même ne débute ce débat, la journaliste et la photographe ont clairement expliqué sur le site du Time
leur intention, sachant tout de même au passage que ces deux femmes
sont des véritables professionnelles en la matière ; elles capturent
depuis plus de 10 ans les portraits de ces victimes qui acceptent de se
dévoiler. L'une d'elles a d'ailleurs précisé de façon limpide qu'il
était extrêmement difficile de retranscrire les souffrances de ces
femmes au travers d'un simple article, non seulement pour éviter de
faire revivre ce tel cauchemar à ces femmes en leur demandant de
raconter en détail leur agression, mais aussi pour la dureté d'entendre
et de réécouter leur récit atroce.
Second point, bien certainement le plus
important. De nombreuses discussions ont eu lieu avant la décision finale de
cette couverture, tant avec l'intéressée qu'avec la présidente de
l'organisation Make Way Partners, Kimberly L. Smith, qui combat
le trafic humain et dont elle-même a été victime de viol sur le territoire
soudanais.
Et l'idée du semi-nu est venue après la séance
photo avec la jeune femme. La photographe voulait mettre davantage en valeur
les conséquences de ces violences perpétrées sur tant de femmes et les a donc
symbolisées par le ventre rond de la jeune femme. De plus, elle souligne : "Je
ne voulais pas demander d'elle quelque chose qui la mettrait mal à l'aise ou
lui manquerait de respect."
En outre, cette proposition faite à Ayak a reçu
une réponse très positive de sa part, elle "n'a pas hésité une
seconde." La photographe stipule d'ailleurs : "Je
lui montrais les images au fur et à mesure que je la photographiais pour
m'assurer qu'elle comprenait bien la situation et ce que je capturais. Petit à
petit, son attitude a changé. Elle se tenait devant mois, fière, confiante,
sereine. Il m'a semblé que l'acte même de les photographier, elle et son futur
enfant, était une occasion de célébrer ces choses que ses agresseurs avaient
tentées de lui prendre : sa beauté et sa dignité."
Cela étant, pourquoi cette couverture a suscité
une telle polémique alors que tant d'autres femmes, peut-être bénéficiant d'une
notoriété certaine qui les protège, ont été à la Une de magazines aussi connus
en se présentant dans le même appareillage et n'ont suscité nulle polémique ni
critique de la sorte et encore moins prises comme référence quelque peu
déplacée d'une période de l'histoire qui dans le contexte présent est
totalement hors sujet ?
Est-ce donc le Time Magazine qui se
montre engagé dans la lutte contre la barbarie sexuelle dont les femmes
africaines sont victimes outrage le respect de la femme ? Ou est-ce ces
internautes qui n'ont rien compris à la subtilité de cette démarche utile et
qui en jouant les pseudo-moralisateurs deviennent outranciers et piétinent par
leurs propos blessants la dignité de la femme ?
En conclusion, je trouve cette couverture de
magazine de toute splendeur. Cette femme est très jolie. Avant même d'avoir eu
vent d'une quelconque polémique à son encontre, j'avais bien perçu le message
que Aryn Baker et Lynsey Addario ont voulu transmettre. Alors, quoi que peuvent
penser ou dire ses détracteurs, je suis tout cœur avec vous, Mesdames. Merci à
vous, à votre réelle contribution à la cause féminine et de faire en sorte de nous
permettre de nous sentir encore plus femme ! Continuez dans cette voie, car de
toute manière, il y aura toujours des médisants pour détruire le peu de beau
qu'il reste dans ce bas-monde, surtout des personnes très mal attentionnées et
bien maladroites qui n'ont à aucun moment pensé à ce que Ayak pourrait, elle,
ressentir s'il lui était rapporté le contenu de leurs réprobations...
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